On connaît tous notre ami Tête d’Epingle, alias Pinhead qui avait tenté de lancer un Rubik’s Cube un peu trop avant-gardiste, ayant provoqué un courrier massif auprès du service après-vente après de mystérieuses disparitions de consommateurs.
Hellraiser a connu un succès fulgurant grâce au cinéma mais ce sont pourtant d’autres romans qui ont amené la gloire à l’écrivain de Liverpool. Secret Show, Galilée, le Royaume des Devins sont autant de noms qui ont marqué le fantastique il y a 20/25 ans quand Barker a pu montrer l’étendue de son talent. Nous avions déjà parlé il y a quelques semaines de son nouveau roman Les Evangiles Ecarlates et aujourd’hui, nous allons nous arrêter pendant quelques lignes sur son magnifique Secret Show qui vient de ressortir chez Bragelonne.
Un des grands drames pour l’amateur de fantastique francophone est qu’il ne faut pas être en retard. En effet, il arrive bien souvent qu’une fois un tirage épuisé, certaines oeuvres soient indisponibles pendant de longues années (Ramsey Campbell, anyone?) et il vous faudra sillonner les sites d’occasion pour pouvoir trouver votre perle. Petit à petit Barker revient donc peupler nos étagères, et après les nouvelles (Livres de Sang), ce sont les romans qui resurgissent, à l’instar de Secret Show avant Galilée et quelques autres autres. Délice à relire, surtout quand son ancienne édition Pocket a bien souffert, le cadre si unique de ce roman n’a pas pris une ride. Si vous avez d’ailleurs cette édition à la couverture qui montre son âge, elle, vous retrouverez la même traduction de Jean-Daniel Brèque dans cette nouvelle édition 2016.
Bienvenue dans le mouroir oublié où finissent toutes les lettres qui n’ont pas trouvé leur destinataire – et il y en a des milliers. Randolph Jaffe est chargé de les trier, d’y récupérer ce qu’il peut, et de mettre le reste au feu. Tout bascule le jour où il en lit vraiment une. Puis deux. Puis qu’il commence à discerner certaines ressemblances troublantes. Lettres de fous, d’illuminés, messages codés… toutes parlent de la même chose. Et si elles faisaient office d’avertissement, un sinistre présage que seul Jaffe serait capable de comprendre… ?
Ne peut-on pas imaginer plus grand appel à l’imagination que ce quatrième de couverture? On y retrouve les éléments Barkerien du personnage seul sans vrai vie sociale et qui va découvrir bien entendu que notre réalité n’est qu’illusion et que….
Dire que cette oeuvre regorge d’idées est un doux euphémisme. On aura même tendance à dire qu’il y en a trop avec parfois en 100 pages l’occasion d’écrire cinq autres romans tant Barker bouillonne d’imagination. Cela pourra désorienter à certaines occasions mais on pardonnera cet excès. Après tout, tant de romans cachent la misère en occultant leur vacuité par des pages au kilomètre. Le début pose méticuleusement l’ambiance avec un rythme lent dont on sait qu’il n’est là que pour passer la vitesse supérieure, quand le lecteur va accompagner Randolph (un Carter des temps modernes) dans ses découvertes et la lutte dans laquelle il va s’engager. Nous ne sommes pas dans le gore anatomique dont Barker a fait sa touche mais attendez-vous tout de même à être bien secoué lors du voyage où peu vous sera épargné: dans un style toujours aussi direct et sans embellissement poétique vous assisterez à bien des choses que la loi et la morale reprouvent. En utilisant des descriptions froides, sans adjectif aucun ni commentaire, la voix narrative rend le tout d’autant plus incisif et « in your face », frappant directement le lecteur. L’auteur a néanmoins choisi une approche bien plus cérébrale que visuelle de l’horreur en parfaite adéquation avec le monde qu’il nous dévoile. Les personnages sont attachants et ne sont pas dessinés au rouleau comme on a pu le reprocher aux Evangiles Ecarlates. C’est là la clé de toute histoire bien racontée: on s’attache vite à eux et l’on découvre avec la même sidération ce que cache notre réalité, une magie si unique et flamboyante.
Que vous jouiez à Unknown Armies, au World of Darkness, à Americana, à Fate ou encore en correspondance avec la sortie de Kult,ce livre est pour vous. Et si tout simplement que vous voulez vous évader et vivre une grande histoire, Secret Show est un pari gagnant. Il existe dans un beau format broché à 25 euros mais aussi en ebook à 5,99 euros, Bragelonne développant toujours autant les versions dématérialisées.
La Mer vous appartient….
_MT_
NB: Secret Show fait partie d’une trilogie inachevée, sa suite étant Everville. Ils se lisent néanmoins sans problème et en toute indépendance.