Aujourd’hui pour ce tour d’Horizon, partons vers le Nouveau Monde et l’Epée de Vérité de Terry Goodkind. Cette oeuvre avait déjà inauguré notre Calendrier de l’Avent de l’an dernier, mais que peut-on en tirer au niveau ludique après 5 tomes?
L’Epée de vérité est un monument physique de la fantasy, au même titre que La roue du Temps et Trône de Fer. Il a connu une adaptation à la télévision: Legend of the Seeker mais elle a été assez libre et édulcorée, ne rendant guère l’ambiance de Goodkind. Et si elle est un succès incontournable de libraire avec plus de 20 millions d’exemplaires vendus, il n’en reste pas moins que c’est une œuvre assez controversée dans la communauté de la fantasy. Il y a ceux qui aiment, qui adorent, que dis-je?, qui encensent. Et ceux qui ne disent rien (au mieux).
Le côté High Fantasy où tout est (trop) possible, les erreurs « évidentes » de Richard peuvent parfois énerver un lecteur frustré de voir son héros aussi naïf et qui semble oublier un peu hâtivement ses expériences malheureuses passées. Ce sont là certaines pierres d’achoppement chez les amateurs de fantasy, comme on va le voir plus bas. Pourtant tout n’est pas à jeter, très loin de là et quand on la lit d’un point de vue ludique, on aurait tort de bouder son plaisir.
A l’occasion de sa sortie en poche (loin est le temps où l’édition disait que de tels volumes étaient impossibles) chez Milady, cet article est l’occasion d’explorer quelques pistes pour adapter en jeu l’univers du Nouveau Monde.
Avant tout, l’honnêteté et le ressenti m’obligent à dire que c’est uniquement par le biais de l’adaptation que j’aborde ici l’œuvre. L’EdV est une œuvre de High fantasy et au bout de 5000 pages certains défauts ressortent un peu trop, rendant la lecture parfois peu aisée. Si les personnages et les idées sont régulièrement aussi bonnes que les meilleures œuvres du genre, si le style de Goodkind se lit vite (du fait d’une certaine « simplicité », reconnaissons-le), l’auteur parle un peu trop à travers le personnage principal de Richard sur des pages et des pages, montrant que ce dernier a la compétence « anesthésier ses ennemis (et le lecteur) par les mots ». On regrettera aussi un singulier problème de viol, enlèvement, soumission et autres mauvais traitements des personnages féminins comme si cela était automatiquement un point de passage pour la gente féminine. C’est pour cela que je vais surtout parler d’éléments de l’univers du livre sans forcément m’apesantir sur l’histoire, que vous aurez tout loisir de découvrir par vous-même. En aucun cas je ne dis que l’oeuvre n’est pas à lire: à plusieurs millions de lecteurs, il y a bien quelque chose. Et en tant que rôliste, on tourne les pages, toujours prêt à dégotter une idée exploitable.
Ainsi, le monde offert (ce Nouveau Monde) se dévoile au fur et à mesure et il est agréable de voir une carte peu fournie, lisible où 3 royaumes sont séparés par une barrière magique où chaque contrée est plus ou moins réceptive à la magie(barrière qui bien entendu va craquer, fonction de toutes les barrières de début de roman). Pas de listes de noms à connaître, on a tout de suite une vision très claire de l’univers et l’on commence dans le vif du sujet:
Néanmoins, cette magie peut se codifier très aisément en jeu et permet d’être exploitée en jeu de la manière la plus large possible: De Savage Worlds à Fate et même pour le système D100. Ainsi le système de Runequest pourra aussi parfaitement faire l’affaire. Le « DON » permettra aussi à un personnage d’accéder à des niveaux plus élevés et différenciant les sorciers. Bien sur, nous sommes dans de la high fantasy et donc tout est possible et chaque règle a de nombreuses exceptions.
Il reste que ces 2 types de magie permettront bien des débats constructifs quant à leur nature, quand on sait que Zedd, un des compagnons de Richard, peut par sa magie paralyser, soigner ou même restaurer des papiers brûlés. Sans faire de la magie avec des montagnes de grimoire, il y a de quoi jouer la magie fort simplement même si en l’utilisant, il faut accepter l’échec pour avoir la possibilité de réussir.On trouve aussi des manifestations originales comme un intéressant Nuage Espion, ouvrant la porte à toutes les imaginations.
Un autre point adaptable est aussi Les Leçons. Si vous n’êtes pas au fait de la signification de la Lecon du sorcier, sachez que chaque tome est régi par une leçon, que l’auteur prend dans la philosophie de l’objectivisme, à savoir que chacune des leçons est une vérité universelle. On laissera à Goodkind la paternité de ses propos qui, hélas, transforment parfois Richard en espèce de personnage pontifiant et moralisateur.
Néanmoins, chacune des leçons pourra servir d’aspect à votre monde/campagne, en fonction du roman que vous adaptez et de l’ambiance que vous souhaitez donner.
Une des leçons pourrait être: « Si tu fais quelque chose, tu défais autre chose ». En effet, tout au long du récit Richard résout une quête pour provoquer à son insu un autre périple qui deviendra une grande menace. Il n’y a jamais de retour à la situation initiale, celle-ci évolue toujours. Cela entraîne un effet un peu une « histoire sans fin » et escamote l’effet de complétude inhérent à tout récit. Cela peut bien sur être un élément d’intrigue à transposer mais sans en abuser car la lassitude pourrait vite gagner les joueurs. Mais d’une autre part, cette erreur constante est une partie intégrante du personnage de Richard.
L’univers du Sourcier est un univers qui possède certaines institutions au demeurant vraiment intéressantes. Elles ont une personnalité propre et vous pouvez ainsi par exemple aisément recycler les Mord-Siths dans n’importe quel jeu ou univers.
Ces Mord-Siths, qui sont des femmes entraînées en D’Hara (contrée de l’Est) et qui vont torturer leurs victimes en utilisant la magie qui est en chacun de soi, exerçant sur eux un contrôle mental. Quand elles s’habillent de rouge (pour cacher le sang), c’est qu’elles sont en mission et il vaut donc mieux marcher de l’autre côté de la route. Elles sont munies d’un Agiel (voir au-dessus), une sorte de fouet (ou une bande de cuir) dont le simple touché peut brûler, briser les os et des meilleurs. Une intrigue avec cet objet trouvé par vos joueurs (ils sont sensés avoir été détruits par Richard Cypher) avec une horde de poursuivants divers et variés peut être un bon moyen de voir du pays et de visiter les hauts lieux d’intérêts. Vous pourrez, ou non, mentionner les étapes abominables de formations des Mord Sith qui ne sont faites que de viols et de souffrance. C’est une touche très sombre dans un univers qui d’apparence semble assez polissé.
Toujours avec des personnages féminins, existent les Inquisitrices. Là aussi, on retrouve l’omniprésence des sentiments dans la création de ses personnages. Pour résumer, leur pouvoir est de vous faire tomber en adoration devant elles. Kahlan utilise ce pouvoir avec beaucoup d’aisance et la soumission mentale peut aller jusqu’à la mort. Là encore, on retrouve une certaine rareté au niveau des Inquisitrices, celles-ci ayant aussi été assassinées par Darken Rahl. Autre variation intéressante, leur pouvoir entraîne une énorme fatigue, limitant ainsi leur puissance déjà très importante.
Sans vous parler de la pléthore de personnages, dont les cheminements et la sympathie qu’ils provoquent sont une vraie réussite et un appel à l’adaptation, la simple évocation de ces quelques composantes de l’oeuvre suffisent pleinement à créer un monde noir et violent mais à la personnalité propre. Ces simples bases permettent de vite inventer une histoire ou de pallier un manque d’inspiration.
C’est incontestablement sur le fond que l’œuvre trouve toute sa force, surtout si la fantasy n’est pas ce par quoi vous jurez. En revanche, si vous êtes tombé(e) dans la marmite de la fantasy, vous ne serez pas déçu. Si vous êtes un peu plus exigeant (et que vous avez le temps car 5000 pages, ce n’est pas anodin…) il faudra parfois prendre de la hauteur quant à certains passages qui vous font sortir de l’œuvre (si je dis poulet, un sourire apparaît – magie additive-sur le visage des lecteurs de L’Ame du Feu).
Les couvertures superbes du regretté Keith Parkinson sont une belle fenêtre sur ce monde et il existe de nombreux sites pour vous aider à vous y retrouver, ainsi que la série Legend of The Seeker qui est un écho du livre qu’il est sensé adapter, avec Sam Raimi à la production. Elle fournira néanmoins tout ce dont vous avez besoin comme photo de PNJ.
Vous l’avez compris, malgré ses défauts, il est difficile de passer à côté de Richard Dahl/Cypher. Une relation haine/amour peut se créer, mais si vous allez jusqu’au bout de cette relation et que vous voulez relancer votre campagne, une mine d’or est à portée de main. Et si vous souhaitez en trouver une version JDR, c’est hélas une des rares oeuvres au succès populaire sans pendant rolistiques, même si les tentatives amateur ne manquent pas.
Bien entendu, que vous soyez joueur ou lecteur- lectrice, n’hésitez pas à signaler tout site ou source qui profiterait à tous.
J’ai lu le 1er (gros) tome et j’ai bien aimé la facette de Richard à ne pas aimé les énigmes et phrase énigmatique pour sauver le monde.
Oui, ce petit clin d’oeil à ce trope était sympathique. Mais après ça se gâte un peu. En fait Goodkind est un adepte de l’Objectivisme, cela complique les choses quand cela devient un argument d’écriture