Nouvelle rubrique ce mardi, qui sera aussi une série vidéo: Soupçon d’Inspiration. Il s’agit de la critique d’une oeuvre ajoutée à des conseils pour l’adapter en partie. Nous avons déjà tourné Ghost chez Glénat Comics et nous inaugurons les romans par l’excellent Véridienne chez les Dickiens que sont les Moutons Electriques.
Pour tout dire, je ne suis pas un grand fan de fantasy. Parce qu’ une énorme quantité de la production n’est que redite sans âme, minée par le syndrome de la carte et des noms exotiques, je n’y trouve guère d’évasion. A la suite d’un envoi presse, comme il a été raconté dans notre Journal du Rôliste de Novembre, nous avons découvert et sommes tombés sous le charme de Véridienne, premier roman de Chloé Chevalier. Parler d’un livre est toujours délicat car il faut suffisamment en dire sans pourtant dévoiler l’essentiel, afin de découvrir la richesse d’une oeuvre avec le plus de candeur possible. Ainsi donc, voici le résumé officiel des Moutons:
Au bord de l’implosion, le royaume du Demi-Loup oscille dangereusement entre l’épidémie foudroyante qui le ravage, la Preste Mort, les prémisses d’une guerre civile, et l’apparente indifférence de son roi.
Les princesses Malvane et Calvina, insouciantes des menaces qui pèsent sur le monde qui les entoure, grandissent dans la plus complète indolence auprès de leurs Suivantes. Nées un jour plus tard que les futures souveraines auxquelles une règle stricte les attache pour leur existence entière, les Suivantes auraient dû être deux. Elles sont trois. Et que songer de la réapparition inopinée du prince héritier, Aldemor, qu’une guerre lointaine avait emporté bien des années auparavant ? Avec lui, une effroyable réalité rattrape le château de Véridienne, et le temps arrive, pour les Suivantes et leurs princesses, d’apprendre quels devoirs sont les leurs.
La première chose est que vous n’avez pas besoin de lire un pavé de 800 pages et 4 kgs pour pouvoir vous immerger dans le monde du Demi-Loup. Comme les plus grands récits, vous êtes immergés dès l’incipit avec la tradition des Suivantes qui sont en fait les confidents/conseillers d’un enfant royal. Et dès le premier chapitre, on comprend que la narration se fera de plusieurs points de vue et supports, ce qui renforce la verisimilitude par ce quadrillage narratif. On sent tout de suite que la mise en place de personnages va amener le drame et cette présentation n’est pas sans rappeler le cycle de Lyonnesse de Jack Vance (Même si Hobb et Martin sont avancés, à juste titre également).
Le style de Chloé Chevalier est érudit sans être pompeux, le subjonctif ne lui fait pas peur et il y a une vraie richesse de langue qui est en parfaite harmonie avec l’histoire et son monde. De plus, on sent un vrai amour et une connaissance approfondie de l’époque médiévale. Son style sait être poétique dans les noms de son univers (l' »Echo-du-Roi » par exemple) et c’est un atout dans un début de roman où, comme à chaque fois, une somme importante de noms et lieux sont mentionnés. On regrettera juste l’absence d’un Dramatis Personae en début d’oeuvre qui aurait clarifié un peu les choses (et qui renforce toujours l’aspect tragique d’un réci)t, surtout quand le nom de certains protagonistes ne varie que d’une seule lettre.
L’autre force de ce livre est que dans un style faussement « Il était une fois en ce beau royaume.. » où le narrateur utilise le discours indirect, présente le monde et commente l’histoire (« Mais les lois sont une chose et les usages une autre »), on tombe parfois dans une barbarie qui est d’autant plus déstabilisante, rappel jouissif que rien n’est acquis pour le lecteur et que tout peut basculer, dans ce tome ou par la suite.
Cette prose poétique est aussi à allier à une imagination fertile et il y a clairement une longue réflexion quant à la genèse de ce monde à la logique « interne » irréprochable. Il y a un tout un sous-texte derrière les noms inventés et autres concepts qui ne sont pas que des façades et à un moment où un autre, ce qui n’est mentionné qu’au détour d’une phrase reviendra au premier plan, assurément. Il n’y a qu’une seule chose à dire: vivement la suite!
Comment donc utiliser cette oeuvre en JDR? Si tout jeu de fantasy pourra faire l’affaire, il faut néanmoins bien s’arrêter sur les spécificités d’oeuvre. Tout d’abord il vous faudra une affinité pour mener des intrigues de cours qui ont par définition de nombreux PNJs. Le livre possède moultes descriptions sur lesquelles vous baser pour créer bien des lieux et quant aux personnages-joueurs, jouer les Suivant(e)s semble assez évident. Cela permet d’être près du pouvoir mais aussi d’avoir une certaine latitude d’action. Evidemment, la présence de nombreux personnages féminins devra être prise en compte si vous avez beaucoup de garçons autour de votre table. Il existera de nombreuses occupations pour des personnages masculins de rang proches de celui de servant pour pallier cet éventuel schéma de jeu.
Quant au jeu, on pense tout de suite à Pendragon ou Trône de Fer pour faire une excellente transition. Les interactions seront primordiales et votre système de jeu devra refléter cela même si les combats sont également présents. Une compétence de « connaissance de Demi-Loup » sera nécessaire et qu’un de vos joueurs ou moins ait lu le livre sera un atout. Mais si ce n’est pas le cas, un résumé du monde par fiche ou endroit aidera au mieux et vous pourrez dresser vous-même une carte du monde car celle-ci (tout du moins dans l »exemplaire que nous avons) n’est pas disponible. Ce qui prouve bien que nous avons ici affaire avec de la fantasy différente….
Entrez donc dans le chateau de Véridienne et venez assister à ses intrigues….
_M.T_