Nouveau numéro et nouvelle thématique, cette fois-ci nous parlons d’espionnage, avec l’ouvrage de Giles Milton « Roulette Russe: La guerre secrète des espions anglais contre le bolchévisme ». Ce livre est un petit bijou et certainement un des plus directement applicable au jeu de rôle parmi ceux chroniqués dans notre rubrique « Fiction Augmentée ». Avec un peu de travail, vous en tirerez une excellente campagne (voire plus) pour votre JdR d’espionnage favori.
Le contexte du livre est celui des premières années de la révolution bolchévique. La Russie tsariste, alliée des français et des anglais, vie ses dernières heures. Le pays est en pleine guerre civile et son engagement dans la guerre devient incertain. Les anglais décident d’agir par tous les moyens pour maintenir la Russie dans la guerre. A travers leur service diplomatique, et grâce aux agents du tout jeune Secret Intelligence Service (MI6), ils tentent de soutenir les russes blancs contre les bolchéviques.
La guerre terminée, le SIS reste actif sur le territoire russe. Les anglais ont en effet des raisons d’être inquiets. Lénine et son gouvernement, ne cachent pas leurs intentions d’exporter la révolution à tous les pays occidentaux, entre autres grâce au Komintern. Face à l’Angleterre, la stratégie des russes est de déstabiliser le pays en s’attaquant à ses colonies. Au Turkestan, région voisine de l’Inde, ils forment ainsi divers groupuscules islamistes à perpétrer des attentats sur le sol indien.
Durant toute l’entre-deux guerres, les agents anglais infiltrés un peu partout sur le territoire russe s’efforcent donc de réunir les informations nécessaires à l’anticipation et au blocage des actions russes. Leur petit jeu du chat et de la souris avec la Tcheka s’avèrera fatale pour nombre d’agents.
Au fil des pages, Milton présente une variété de situations qui vous permettront de créer toutes sortes de missions pour vos joueurs et d’illustrer toutes les facettes de l’espionnage: collecte d’information sur l’adversaire, influence secrète sur l’ennemi, protection des intérêts nationaux et infiltration des services secrets ennemis.
Vous pourrez ainsi faire jouer des missions d’infiltration au cours desquels les PJ/agents devront construire leurs identités multiples, se créer des réseaux pour réunir les informations et les faire sortir de Russie, gérer la logistique de leurs missions… Ce genre de missions devaient être particulièrement ardues, surtout avec une Tcheka travaillant d’arrache-pied à démasquer les espions étrangers. Les agents étaient souvent complètement livrés à eux-mêmes et la technologie relativement sommaire des années vingt / trente ne devait pas faciliter les choses.
Si vous préférez les missions d’exfiltration, l’auteur en décrit une qui vous fera sûrement penser à James Bond (l’agent à l’origine de la fiction est d’ailleurs présenté dans le livre). Au menu: passer nuitamment à vingt centimètres au dessus d’un champ de mine, à l’aide d’un hors-bord, pour récupérer un agent compromis. Il y a de quoi transpirer un peu, non? Pour ceux plus intéressés par le voyage, vous devriez trouver votre bonheur avec les récits de missions au Turkestan. Les agents durent, à l’époque, rallier Tachkent en traversant à pied les montagnes du Pamir!
Côté personnages, l’auteur décrit minutieusement une petite dizaine d’agents anglais (avec photos s’il vous plaît). Il détaille ainsi leur histoire, leur personnalité, leurs hobbies et même leurs amis et liaisons. Pour faire interagir PJs et PNJs, vous pourrez vous inspirer de toutes les situations dramatiques qui émaillent le livre: amour impossible, trahison, lutte à mort entre deux ennemis qui pourtant se respectent, agent désobéissant aux ordres… Ceci vous permettra d’ajouter encore un peu plus de réalisme et de vie à vos aventures.
En somme, « Roulette russe » est un très bon livre qui illustre bien les enjeux de l’espionnage et les réalités de sa pratique sur le terrain. Avec en plus une galerie de personnages bien fournie, vous n’avez plus de raison de ne pas y aller, alors à vous de jouer!