Interview – Props of Nyarlathotep

Pour ce mercredi, une interview sur la campagne Kickstarter s’achevant dans quelques jours nommées PROPS of Nyarlathotep.
(Vous nous voyez venir?…)
Ce sont des accessoires officiels de la campagne, du plus bel effet et dont la conception est des plus intrigantes, totalement dans l’esprit du mythe. Il était normal que nous vous en parlions et nous avons joint l’artiste derrière le masque, Delphes Desvoivres
ATTENTION, Spoilers quant à la campagne:
RTV – Savoir que la personne derrière les Accessoires de N. était française est un petit cocorico, mais avant tout peux-tu te présenter et comment t’es venue cette idée ?

 

 Delphes –  J’ai découvert le jeu de rôle par Denys, mon compagnon, qui joue depuis son enfance. Très vite, lorsque nous nous sommes rencontrés, j’ai commencé ainsi à lui faire des aides de jeu – à l’époque pour L5R – et pendant 10 ans j’ai dessiné des sortes d’affiches qu’il plaçait sur son écran de jeu. Puis de fil en aiguille nous avons naturellement pensé à réaliser des accessoires plus ambitieux. C’est à ce moment là que nous avons évoqué l’idée de nous attaquer aux Masques de Nyarlathotep et au monde de Cthulhu en général. Mais nous étions en 2012, et c’est à ce moment là que Chaosium a lancé sa campagne Kickstarter pour la nouvelle édition de Terreur sur l’Orient Express, que Denys avait maîtrisé, mais en étant frustré de l’apparence « plate » du simulacre (le dessin de la nouvelle version est vraiment mieux… mais par définition reste plat).
Nous avons échangé avec Christian Lehmann, un ami et l’un des auteurs originaux de la campagne Orient Express et il nous a soutenu auprès de Chaosium pour que je puisse réaliser « pour de vrai » le Simulacre de Sedefkar le projet nous a occupé pendant presque 3 ans avec beaucoup de hauts et de bas, mais nous avons fini par faire une campagne réussie sur kickstarter qui nous a encouragée à reprendre le projet des Masques qui était notre projet initial. On n’était pas sûr de le faire, en raison de divers problèmes dont un autre kickstarter sur le sujet qui a été une catastrophe, mais beaucoup de nos contributeurs nous ont poussé à reprendre notre projet quand on a échangé avec eux.

 Si le jeu de rôle ne peut se jouer seul, les sculptures, de la même façon, s’élaborent pour moi dans l’interaction. J’aime bien faire partie d’une équipe qui va produire un support créatif pour faire émerger l’imaginaire des joueurs. C’est pourquoi ça m’intéresse beaucoup d’élaborer des objets avec un meneur de jeu qui m’aidera à comprendre les besoins dramaturgiques de la scène qui va être jouée. Le défi étant de recréer des objets qui vont ouvrir l’imaginaire et pousser l’immersion encore plus loin. 

– As-tu joué la campagne?
Non je l’ai jamais jouée, par contre Denys, qui l’a masterisée deux fois, et dont c’est la campagne préférée, me sert de conseiller. La deuxième fois qu’il l’a jouée, il a réussi à l’étendre sur presque dix ans. Il aime particulièrement le côté ouvert de la campagne qui permet de l’adapter facilement à son style de jeu. C’est une campagne qui peut être jouée dans une ambiance Indiana Jones, ou bien comme du Lovecraft pur et dur… Lui, il avait estompé la présence du mythe de Cthulhu et avait donné à la campagne un mélange d’aventure parfois assez sombre, et de quête initiatique. Lorsque la campagne est sortie, surtout, il y avait de superbes aides de jeu – pour l’époque – dont la fameuse boite d’allumette. C’est probablement la campagne qui a inspiré chez beaucoup de gens l’envie de « props » de plus en plus réalistes pour l’appel de Cthulhu.

Cela dit je fais du jeu rôle, moi-même. En ce moment je joue avec deux amies et toujours Denys comme meneur, la merveilleuse campagne du jeu Krystal, édité par les XII singes.


– Comment se sont passées les discussions avec Chaosium?
L’équipe de direction a complètement changé l’an dernier. Lors du Kickstarter pour le Simulacre, Chaosium regardait de loin ce que je pouvais proposer, et je n’ai pas eu beaucoup de retour de leur part. Avec la nouvelle équipe, je dois dire Chaosium est vraiment investi dans le suivi de mon projet et c’est à la fois rassurant et engageant pour la suite. 

Je pensais pouvoir proposer des aides de jeu papier pour ce premier chapitre des Masks car j’en avais déjà réalisé quelques unes mais finalement Chaosium ne m’a pas accordé la licence pour ça. J’espère un jour les faire changer d’avis 😉 . D’autant qu’ils m’ont demandé de pouvoir utiliser officiellement le portrait du Comte Fenalik que j’avais fait pour Orient-Express, ce qui me laisse croire que mes aides de jeu papier pourraient leur plaire.


– Comment as-tu choisi les objets et as tu dû faire pour projet de faire les autres épisodes ? (avec le fouet à mouches au Kenya par exemple..)
Le critère de choix principal, c’est que ça aide à raconter l’histoire. Ça élimine par exemple les objets avec lesquels les personnages auront peu d’interactions ou que les PNJ ne manipulent pas (tout ce qui est dans le bureau de Gavigan par exemple). Les sceptres par exemple sont choisis parce que le MJ peut s’en servir en cas d’une rencontre avec tel ou tel PNJ (plusieurs peuvent les avoir à leur disposition) qui les utilise pour lancer un sort. C’est toujours mieux de le faire avec les objets en main, ça peut avoir un impact sur les joueurs. Forcément, il faut aimer la mise en scène pour utiliser des props réalistes.

Pour l’épisode NY/Kenya, nous avons déjà commencé à y réfléchir mais les prototypes ne sont pas faits, mais clairement avec le succès de celui-ci, on le fera. Après les discussions avec Denys, j’essaye de faire ce qui m’intéresse le plus en tant que sculpteure. J’adore faire des vrai-faux et toutes les occasions sont bonnes pour me lancer dans un défi de nouvelles textures, matières, formes ou matériaux.

Pour le prochain chapitre et prochain Ks que je devrais donc lancer en juin si tout va bien, j’ai la chance de travailler avec un grand collectionneur d’art africain, le père d’un ami qui me laisse flâner et étudier ses plus belles pièces de tout près. Son expertise m’aide aussi beaucoup à comprendre ce qu’est un objet africain. Je vais essayer de transposer tout cela dans mes prochaines sculptures. 



– Dans ta conception de ses objets, sont-ils faits pour de la décoration ou pour éblouir les joueurs qui les voient surgir de derrière l’écran ? (Même si certains objets ne sont pas automatiquement trouvés par les joueurs, comme le miroir de Gal)

Je sais que, parmi mes contributeurs, il y a de collectionneurs d’objets Lovecraftiens qui ne jouent pas ou ne jouent plus mais exposent mes objets chez eux, pour le plaisir et les souvenirs de jeu que cela leur évoque. Je ne pense jamais à mes sculptures comme objets de décoration. En tant qu’artiste j’ai évidemment fait l’expérience d’exposer mon travail et le vendre à l’occasion comme des pièces qui finiront dans un salon, mais ça ne m’excitait pas franchement. C’est pourquoi j’ai cherché des moyens de faire « activer » mon travail par un public. Je ne me satisfaisais pas de faire sculptures passives qui prennent la poussière gentiment sur une cheminée, même si ça fait partie du principe. J’ai travaillé à installer des oeuvres dans l’espace public pour aller à la rencontre du public. Et puis j’ai compris que le jeu de rôle était peut-être le meilleur dispositif pour interagir avec le public justement.

Donc ces objets sont créés pour interagir avec les joueurs. C’est d’ailleurs pour ça que je les conçois solides. Malgré les apparences le miroir de Gal n’est pas en verre donc il peut être manipulé par des joueurs maladroits. Au pire s’ils le font tomber sur un sol dur, ça peut rayer légèrement le vernis, et encore… 

La visite de l’appartement de Tewfik n’est pas 100% certaine, mais elle est extrêmement probable si on a des investigateurs consciencieux, et il est censé être impossible de manquer le miroir, qui est censé être accroché à un mur du salon. L’idée de Denys était que le miroir devrait être une tentation pour les joueurs : en effet, le vol du miroir est le meilleur moyen de faire de Tewfik un ennemi acharné et terrifiant des investigateurs, sans qu’il soit trop puissant pour eux (puisqu’une grande partie de cette puissance lui vient du miroir). Même s’ils décident de ne pas voler l’objet, le fait de le voir en vrai devrait provoquer chez des joueurs normaux un conflit… donc du jeu intense… Juste par les pouvoirs qu’il possède, décrits en marge de la campagne, c’est un objet fascinant, autant par ce qu’on devine de ses origines, que par les possibilités qu’il offre entre les mains d’un Gardien et de joueurs créatifs. Et même si les joueurs ne le croisent pas dans la partie Londonienne de la campagne, c’est un objet suffisamment lovecraftien pour être facilement intégré dans un autre scénario (puisque tous les antagonistes sont allés en Egypte), comme McGuffin ou comme sous-intrigue. C’est une campagne qui encourage l’improvisation, n’est-ce pas ?


– À propos du miroir de Gal, comment vas-tu conçu ? Et plus généralement, quel a été ton processus de création ? Les nouvelles? L’ambiance? La description dans le scénario ?

J’ai eu envie de réaliser un miroir maléfique, tout simplement. Il y a des matériaux très différents à travailler. J’ai passé quelques heures dans les musées pour me laisser hanter par l’obsession des égyptiens pour la mort et l’au delà. Denys m’a parlé de tout l’éventail possible et imaginable des interactions à réaliser avec le miroir. On s’est dit que ce pourrait être une aide de jeu formidable car c’est l’objet que les joueurs vont voir en arrivant chez Tewfik. Il est vite apparu que le miroir devait être un mélange d’ancien et de moderne. La description initiale (celle de l’édition originale americaine qui nous a servi de base), est assez peu détaillée, donc ça laisse la place à à peu près ce qu’on veut. On sait juste que la bordure est asymétrique en gros et qu’il comporte d’étranges figures. Le reste a été élaboré par déduction (ça doit être un miroir à main pour qu’il puisse être utilisé par un sorcier et qu’on puisse justifier ça taille de façon pratique) et évidemment l’envie de faire une sculpture qui mélange le lovecraftien avec l’art antique. Ça doit être un objet unique et… tentant !



– Souhaiterais-tu aussi aborder d’autres thèmes de jeu (médiéval fantastique ou science fiction)?
Quand j’aurai terminé tous les objets des Masks de Nyarlathotep, j’ai l’intention de proposer un projet de science fiction que j’élabore avec mon compagnon, Denys Corel, et un ami réalisateur. Notre objectif est de proposer cette fois une campagne d’ambiance lovecraftienne avec une aide de jeu filmée, et un accessoire qu’on espère très original totalement intégré à la campagne elle même. A suivre !


– Une fois le CF fini, sera-t-il possible de se les procurer quelque part pour ceux qui auront raté la campagne ?
Oui, il devient urgent que je crée une boutique en ligne car j’ai eu pas mal de commandes après le Ks du Simulacre. J’ose penser que cela se reproduira et puisque je commence à avoir une petite collection d’objets, autant les mettre en vente direct. Evidemment les prix ne seront pas ceux du Kickstarter. C’est grâce aux contributeurs que je peux lancer une production, donc ils bénéficient de prix plus avantageux.


– Il ne reste que quelque jours avant la clôture, si je souhaite participer, les frais de port sont-ils moins chers pour la France ?
Carrément, les tarifs postaux varient souvent du simple au double entre la France et le reste du monde !


Et pour conclure, notre question traditionnelle : que peut on te souhaiter ?

De ne pas subir le sort de Miles Shipley (les fans de la campagne comprendront) ou en général des artistes qui abondent dans l’univers du Mythe et sont obsédés par le besoin de représenter des terreurs indicibles et des créatures indescriptibles !

La campagne s’achève donc dans jours, le 12 février et nous avons hâte de voir la suite de cette très singulière et originale aventure.
_MT_

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