Vous le savez maintenant, nous aimons Clive Barker. Nous n’en avons pas parlé depuis quelques semaines, alors que les éditions Bragelonne continuent leurs rééditions du grand écrivain anglais. Cette disette est finie car ce mois-ci, c’est avec Sacrements qu’il revient, roman moins connu et parfois déroutant de ce prodige de l’horreur.
Will Rabjohns est un photographe à la spécialité un peu particulière : il capture les derniers instants d’animaux en voie de disparition. Il immortalise ainsi l’implacable avancée de la civilisation humaine sur une nature sauvage cruelle et désespérée. Un métier qui n’est pas sans risque : le jour où une ourse polaire l’attaque brutalement, il tombe dans un profond coma. Une expérience qui le replonge dans de troublants souvenirs d’enfance, où domine la présence fantomatique d’un couple inquiétant et immortel.
À son réveil, Will sait que sa vie ne sera plus la même, tandis qu’il se met en quête de sa propre identité et d’une terrible vérité, dans un périple où l’horreur pure côtoie le merveilleux…
Tout commence donc d’une manière très classique. Un personnage à la vie « simple » qui va découvrir un autre monde et il va sans dire que ce dernier va être pour le moins éprouvant dans une quête parfois désespéré de soi.
Le lecteur pourra être un peu désabusé par la structure du livre: on y retrouve le Barker qui manque parfois de rigueur quant au contrôle de son intrigue (pourtant bien complexe et sans défaut), s’égarant parfois par monts et par vaux sur de nombreuses pages. Si cela est déroutant, cela contribue aussi à créer un monde vaste et riche, à l’écriture toujours aussi envoûtante et sans concession, une fois que l’on a intégré le rythme interne l’oeuvre. Les ellipses et autres mises en abymes sont pléthoriques et, comme Will, vous devrez tenter de ne pas vous y perdre. On y retrouve en toile de fond un monde qui disparaît, ancré dans la dure réalité d’une San Francisco digne du World of Darkness et sécoué par le SIDA, luttant contre l’anéantissement .
En effet, les thèmes de l’extinction et de la disparition sont omniprésents et cette noirceur va au-delà des scènes gore qui sont la marque de l’auteur. L’homosexualité de Will (avec des scènes d’ébats amoureux qui avaient posé quelques problèmes à l’éditeur), ajoute une touche supplémentaire à la frontière dans laquelle le roman évolue balançant toujours entre les opposés: vie/mort, acceptation/rejet, présent/passé. Le titre de partie « L’étranger en lui-même » montre bien la prégnance de ce thème obsédant pour Will.
Quant aux « méchants », les personnages de Jacob et Rosa, qui vont croiser le chemin du héros, semblent être des Cénobites sans les chaînes et sont dignes du trope Barkerien. Ils ne sont pas ses méchants les plus marquants mais pourtant, au fil des pages, ils sont une des pièces du puzzle qui révèle plus que ce qui est écrit.
Ce livre n’est pas le plus aisé à lire. Il rappelle parfois du Poppy Z Brite pour ses descriptions des amours homosexuelles (Clive Barker semblant parler par la voix de ses personnages à certains passages) et il est sombre comme rarement, possédant aussi une puissance nostalgique et d’évocation rarement égalée dans toute son oeuvre. On le sait, Barker peut écoeurer ou émouvoir à volonté et celà ne fait pas exception, disant qu’un oiseau « chie » au milieu de la description de sa mort pour le moins touchante.
Il faut voir Sacrements comme les morceaux d’un miroir que l’on remet en place au fur et à mesure pour, à la fin, découvrir une image entière, mais toujours barrée des bris de verre. Dans les univers d’Unknown Armies, Kult, et du World of Darkness, Will ferait un personnage extraordinaire, toujours à la recherche de lui-même, celui que les joueurs viendraient aider.
Vous l’avez compris, ce roman ne se livre pas facilement. Il est néanmoins obsédant par de nombreux aspects et il est trop injustement méconnu. L’horreur qu’il décrit n’est pas celle auquel Barker nous a habitué. Abordant l’homosexualité, on ne peut s’empêcher d’y voir un message, une communication (un message?) détournée de l’auteur. Peut-être est-ce pour cela qu’il prend son temps (ou va trop vite, pour d’autres) créant cette intimité avec Will. En tout cas il ne laissera pas insensible, nous le garantissons. Après la grande fresque qu’était Galilée, perdez vous dans le froid et les terres mortes et perdues de Sacrements.
Bonjour. J’ai rien lu de Clive Barker. Que me conseilleriez vous ?
Bonjour,
Eh bien tu peux commencer par des nouvelles (les livres de sang) ou ses romans. Nous avons Galilée et Secret Show en critique sur le site et ce dernier est excellent. Tout dépend ce que tu cherches.
Merci.
Je cherche rien en particulier, sinon découvrir Barker. Vous en parlez de temps en temps et perso moi je ne connais pas du tout . Sauf peut être Hellraiser que j’ai vue il y as des années . Mais je suis pas fane des filmes d’horreur .