Tour (estival) d’Horizon – Un Don, un Space Opera et une Revanche

C’est donc d’un horizon lointain qu’est l’Oregon que je tape ce petit article et les 9 heures de décalage horaire aident beaucoup à se sentir déconnecté et surtout sur, dans tous les sens du terme, une autre planète. Pas d’éclipse lunaire et le jour à la place de la nuit…

Vous l’avez peut-être vu sur notre Twitter mais la valise était bien remplie de livres (erreur funeste que je vais payer cher à la fin du séjour, je pense: le poids maximum étant de 23 kg..) et c’est toujours une expérience agréable que de se poser ailleurs pour s’évader  encore plus.. de l’évasion d’un voyage. Insatiables voyageurs que nous sommes. Alors parlons un peu de trois compagnons de route:

Depuis des siècles, un membre de la famille Thirsk sert le roi de Morgravia comme général des armées, mais aucun n’avait jusque-là prêté allégeance à un noble aussi cruel que Celimus. Et aucun n’était aussi jeune que Wyl Thirsk, général à 17 ans.
Aussi, lorsque Wyl Thirsk est forcé par Celimus à assister à la torture de Myrren, une jeune femme accusée de sorcellerie, il craint de devenir le premier de sa lignée à trahir son serment.

Je vais commencer tout d’abord par vous parler de LE DON de Fiona McInstosh, chez Bragelonne, dont le premier tome (c’est une trilogie, celle du Dernier Souffle, peut-il en être autrement en cette fin de décennie?) est sorti en poche. Une autre tendance est que plus on lit de Fantasy, plus les auteurs se sentent obligés de nous infliger des dizaines de personnages aux noms et profils parfois bien improbable, toujours un certain frein quand on veut vite rentrer dans une oeuvre. Ici, il n’en est rien. Le roman se focalise sur très peu de protagonistes, donnant ainsi beaucoup d’humanité à l’oeuvre et faisant clairement apparaître les enjeux.

Sous ce résumé lapidaire se cache l’histoire de Wyl, que nous allons suivre tout au long des pages. Chef des armées de Morgravia, comme son père, il doit servir l’odieux Célimus qui a aussi son âge et qui déteste son père, le Roi Magnus. La relation entre les deux est très bien posée avec un chateau à la Gormenghast comme cadre et comme fond politique le conflit imminent entre Morgravia et son ennemi héréditaire Briavel, à la mort du souverain, Célimus n’étant pas du genre pacifique. On se laisse donc très vite emporter par cette oeuvre à l’histoire classique (comme une nation du nord menaçant potentiellememt les deux pays, trope quelque peu connu) et au rythme très soutenu, parsemée de nombreux rebondissements qui aident à tourner les pages, comme on dit. On va découvrir le DON éponyme et je vous garantis quelques sursauts…

Si le livre traîne un peu du milieu jusqu’au deux-tiers et que l’on trouve quelques aternoiements de Wyl largement dispensables, il n’en reste pas moins une excellente lecture, au style qui sait être poétique et à l’histoire bien cruelle parfois, nous faisant passer par tout le spectre des sentiments.  Nous avons hâte de lire la suite, et comme toujours: ne lisez pas le résumé du tome 2!

Aisance de lecture: 4/5  Adaptabilité: 5/5  Temps de Lecture (journée non travaillée): 4 jours

Partons maintenant dans l’espace avec SPACE OPERA de Jack Vance, écrit il y a un demi-siècle. Il s’agit de la réédition chez Hélios.

Après la mystérieuse disparition de la célèbre troupe de la Neuvième Compagnie, originaire de la planète Rlaru, Dame Isabel Grayce, secrétaire de la Ligue de l’Opéra, affrète le Phébus et se lance dans une grande tournée parmi les étoiles. Elle veut retrouver les artistes volatilisés, mais aussi offrir aux extraterrestres le ravissement de la Grande Musique Classique comme le goût pour l’opéra de l’espace !

Roger, le neveu de Dame Isabel, un jeune homme quelque peu dilettante, embarque lui aussi à bord du vaisseau spatial, et emmène avec lui, en grand secret, sa nouvelle conquête, l’ensorcelante Madoc. Ils sont très loin de se douter des péripéties et des peuples hauts en couleur qu’ils vont bientôt rencontrer.

Je vous le dis de suite, j’ai lu ce très court livre en une journée. Comme vous pouvez le voir avec le résumé, Vance a pris au pied de la lettre son titre. L’histoire veut que ce soit une commande de livre dont le titre devait être SPACE OPERA et il décida de tout centrer sur la musique. Les protagonistes auront moins de chance que dans Rencontre du 3e Type, assurément.. On retrouve donc tout le style de ce conteur dans une histoire dont la structure n’est pas le fort (les mondes visités se juxtaposent un peu trop) mais qui nous amène sourires après sourires à la découverte de nombreuses planète, comme celle de prisonniers que l’on habille avec élégance et que l’on rend plus beau par chirurgie. Voici l’extrait où  l’un d’eux parle:

— Nullement. Si modeste qu’elle soit, je suis heureux de la vie que je mène ; je n’ai aucun désir d’être relégué ni ne veux perdre mon poste. Dame Isabel cligna des paupières.

— Vous… vous êtes un détenu ? Sûrement pas ?

– Mais si, répliqua l’Inspecteur. J’ai assassiné ma grand-mère à coups de hache et, comme c’était le second crime absolument semblable que je commettais…

— Le second ? questionna Roger, qui avait rejoint le groupe depuis quelques instants. Absolument semblable ? Comment est-ce possible ?

La réponse sera que l’on a deux grands-mères.

A la lecture de ce roman je me suis fait la réflexion que cette SF de l’Age d’Or était peut-etre celle qui apportait le plus d’évasion au lecteur. Elle se concentre sur l’espace et les mondes, sur le voyage et le dépaysement. A contrario, la technologie est en retrait, là où la Hard Science mettra l’emphase sur cette dernière, avec pour conséquence un style parfois bien trop aride, et s’appuyant que sur ce qui n’est QUE possible. Ainsi, il y a une étrange impresson de « véritable infini » dans l’histoire et dans cet univers Vancien:  dans SPACE OPERA  l’on monte et descend du vaisseau avec une jubilation salvatrice. Le postulat sur le rôle de la musique et la manière dont on peut l’interpréter est des plus originaux et il y a une magnifique morale à la subtile ironie à la fin de ce charmant roman. On soulignera la traduction d’époque à la langue très châtiée (« guenipe », « assoté », « ombrophile », autant de mots pour briller en société) qui relève encore plus l’ensemble.

Aisance de lecture: 5/5 Adaptabilité: 5/5 Temps de lecture (journée non travaillée): 1

Continuons encore avec l’espace et ALAISTAIR REYNOLDS qui délaisse les imposantes trilogie (encore) pour nous offrir un récit où la métaphore marine est constante avec VENGERESSE (Bragelonne)

Le système solaire a été témoin de l’ascension et de la chute des grands empires. Pourtant, parmi les ruines des civilisations disparues, la fortune est à portée de main, si on sait où chercher…

C’est le cas du capitaine Rackamore et de son équipage. Leur spécialité consiste à localiser des mondes semés de pièges et à en extraire les technologies oubliées. Adrana et Fura Ness ont été contraintes d’intégrer l’équipage de Rackamore et d’accepter ses règles, afin de sauver leur famille de la faillite.

Or le capitaine a des ennemis, et les deux sœurs doivent s’attendre à tout. En particulier à la légendaire pirate sans foi ni loi qui sillonne les profondeurs de l’espace…

On y retrouve tout ce qui fait la force de Reynolds comme notamment la création d’univers et les pans d’histoire qui se comptent en centaines de milliers d’années. Si je parlais de la métaphore marine, essence même de la SF et du Space Opera, c’est qu’ici les vaisseaux sont des navires navigant sur les vents solaires. Ils peuvent aussi le faire grâce à des crânes, artefacts extra-terrestres (et non pas « alien » comme le traducteur a choisi ne pas traduire, faisant vraiment sortir de la lecture) qui servent de moyen de communication. L’univers créé prend vie immédiatement et l’équipage de la Courtisane montre sa propre personnalité très naturellement, malgré des noms un peu « générateurs de syllabes » comme Triglav ou Strambli. Mais peu importe. L’histoire, racontée par Fura, va exploser vers la moitié du livre et tout va s’emballer, Bosa Sennen se posant très vite comme LA méchante de ce premier tome. Ici, tout va vite: le livre est assez court pour du Reynolds et les aventures sont aussi épiques que violentes. Fura est un personnage attachant même si parfois le traitement est un peu simpliste quant à sa psychologie. Elle va subir néanmoins de fort nombreuses épreuves qui vont jalonner son évolution, la narration à la première personne faisant presque penser à un Bildungsroman. Cette sensation vient aussi peut être de la cible (soi-disante) Jeunes Adultes qui n’est mentionnée ni en VO ni en VF, mais dont le livre a gagné le prix Locus dans cette catégorie. Ainsi, si le sang est présent (et la violence assez extrême), les insultes ou le sexe en sont absents. Malgré tout cela, c’est une belle lecture, parfaite pour un été et qui montre que Reynolds sait aussi varier son sujet, avec toujours la même rigueur quant à la création de monde et ce, même si l’histoire se veut moins ambitieuse. Lire ce genre de roman est une vraie récréation et peut-être aurons-nous par la suite droit à des récits complets en un seul volume qui permettront à ceux qui sont impressionnés par le genre SF d’entrer par cette porte.

Le lien Wikikipedia en anglais pour vous donner une idée de l’univers est ici.

Aisance de lecture: 4/5 (mais des relâchements ponctuels dans la traduction) Adaptabilité: 5/5  Temps de lecture (journée non travaillée): 3 jours

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